Contrairement
au scientifique, l'artiste, en l'absence de connaissances approfondies de
l'écosystème forestier, de son fonctionnement et de ses finalités, attend sans
le savoir le punctum* qui va l’inspirer, ce hasard, ce détail, cette lumière,
ces formes étranges qui surgissent, séduisent, fascinent, inquiètent et à
partir desquels il élabore sa peinture. Son point de vue est à l'écart
des considérations scientifiques mais il conduit nécessairement le scientifique
vers le studium*, l’observation, l’étude et l’application à reconnaître l’état
de la forêt.
Cet
arbre sans feuilles, recouvert de lierre, est-il mort, vraiment ? Le forestier
peut apporter des éléments : le lierre n'est pas en fleur, il n'est pas
monté en haut des branches, il y a par conséquent de fortes chances que l'arbre
soit encore en vie. Allons plus loin, qu'est-ce qui fait que le lierre nous
donne un indice sur l'état de l'arbre ? Son développement sur le houppier,
dépendant de la lumière. Cette même lumière qui est un élément prépondérant du
travail de Bastien Lemaître, est aussi un phénomène important à doser par le
sylviculteur tout au long de la vie d'un peuplement !
Pour
autant, cette conférence n'est pas une lecture de tableaux. Il s'agira pour le
forestier de raconter l’état de l’arbre, de la forêt, de la nature en
observant, à l’endroit du peintre, cette représentation parlante. Et quoiqu’il
en soit, ce double regard – artistique et scientifique – réunit l’artiste et le
forestier dans la même affection, considération et préoccupation pour la forêt.
* Roland Barthes, dans “La chambre claire”